Comme il est maintenant démontré par la grande majorité des études qualitatives, la plupart des cellules cancéreuses semblent avoir une préférence pour le sucre. En effet, elles utilisent principalement le glucose comme source d’énergie pour produire de l’ATP, les éléments fondamentaux de l’énergie, un phénomène connu sous le nom d’effet Warburg. De plus, en réduisant les niveaux de glucose sanguin, on observe une diminution des taux d’insuline, de facteur de croissance similaire à l’insuline et de facteur de croissance endothélial vasculaire (VEGF), qui favorisent certains cancers tels que le cancer colorectal, pancréatique et du sein, entre autres.

Les scintigraphies PET (tomographie par émission de positons) représentent une technique d’imagerie fonctionnelle fréquemment utilisée pour détecter les cellules cancéreuses dans le corps. Les individus reçoivent un analogue radioactif du glucose, et le scanner identifie les zones où il est absorbé. Les cellules cancéreuses en rapide croissance ont une plus grande affinité pour ce glucose radioactif que les autres tissus, ce qui se traduit par une mise en évidence des zones abritant la ou les tumeurs.

La plupart des expérimentations portant sur les effets du régime cétogène sur la croissance tumorale ont été menées dans le cadre d’études sur des animaux. L’analyse de nombreuses études et revues révèle que près de 60 % des études précliniques font état d’effets antitumoraux du régime cétogène, tandis que près de 10 % rapportent des effets adverses ou pro-cancer. En effet, certains cancers se révèlent particulièrement astucieux, étant capables d’utiliser divers macronutriments en plus du sucre pur pour alimenter leur croissance.

Examinons tout d’abord les aspects positifs. L’application de régimes cétogènes dans ces études a démontré des effets bénéfiques, à savoir un ralentissement ou une réduction de la croissance des cancers chez les souris atteintes de neuroblastomes, d’adénocarcinomes du côlon, de glioblastomes, d’astrocytomes, de cancer de la prostate, de cancer de l’estomac, de cancer du poumon non métastasé (en association avec une thérapie à l’oxygène hyperbare).

Cependant, il convient de noter que le régime cétogène ne représente peut-être pas la solution miracle parfois espérée. En effet, les corps cétoniques, produits de la dégradation des acides gras et principale source d’énergie pour ceux suivant ce régime, pourraient favoriser la croissance de certaines tumeurs. Une étude va même jusqu’à suggérer que des inhibiteurs des cétones devraient être développés en tant que nouvelles thérapies pour traiter efficacement les patients atteints de cancer avancé présentant une récidive tumorale et une maladie métastatique.

Une étude datant de 2017 souligne qu’une mutation génétique appelée BRAFV600E observée chez les souris atteintes de mélanome est positivement corrélée avec la croissance tumorale en présence d’un régime cétogène. Gardez en tête que cette étude est réalisée sur… une souris. Rien à voir avec les humains donc.

De plus, une étude menée en 2018 montre que l’utilisation de médicaments inhibiteurs de PI3K conjointement avec un régime cétogène permet de ralentir la croissance tumorale chez les souris (!!). Cependant, il est à noter que, dans cette étude, le régime cétogène seul accélère la progression de la leucémie myéloïde aiguë.

Les souris porteuses de xénogreffes de carcinome à cellules rénales et présentant des signes du syndrome de Stauffer (un syndrome associé au cancer du rein) ont connu une perte de poids spectaculaire et un dysfonctionnement hépatique lorsqu’elles étaient soumises à un régime cétogène.

Une étude examinant l’effet du traitement à long terme par régime cétogène sur le cancer du rein a quant à elle décrit un effet pro-tumoral du régime cétogène chez un modèle de rat atteint du complexe de la sclérose tubéreuse.

Il est éminemment regrettable de constater que les essais cliniques chez l’homme se font cruellement rares, la plupart se limitant à des études de cas ou des rapports préliminaires. A se demander si le cancer est vraiment la priorité de la recherche parfois… Parmi les études disponibles, la majorité témoigne d’une réduction du poids corporel, tandis que certaines font état d’une amélioration des marqueurs lipidiques. Le régime cétogène permet de réduire la masse grasse totale tout en préservant adéquatement la masse maigre. Il est à noter qu’une augmentation du poids a été observée chez les personnes cachectiques (souffrant de sous-poids) qui ont suivi ce régime.

La plupart des personnes adoptant un régime cétogène le tolèrent bien, même si des effets secondaires courants tels que la fatigue, la constipation, la diarrhée, les perturbations électrolytiques et les vomissements peuvent survenir (keto flu ou fièvre céto transitoire).

Parmi les effets secondaires potentiels à long terme, on compte notamment la formation de calculs rénaux, la survenue de la goutte et le développement d’hypoglycémies symptomatiques.

Il est important de noter que le régime cétogène peut être contre-indiqué pour certaines personnes atteintes de cancer, notamment celles souffrant de sclérose tubéreuse complexe, de tumeurs contenant la mutation BRAFV600E comme les mélanomes, du syndrome de Stauffer, de troubles génétiques de l’oxydation des acides gras, de troubles de la carnitine ou de la porphyrie.

En conclusion et en théorie, le régime cétogène semble constituer une stratégie de traitement logique ou un complément pour les personnes atteintes de cancer. Toutefois, il ne saurait être considéré comme une solution miracle pour certains cancers, en l’état actuel des connaissance et des études animales réalisées.En effet, bien que la majorité des données scientifiques mettent en évidence les avantages potentiels du régime cétogène dans le traitement du cancer, ces études ont été menées sur des souris. Les essais cliniques chez l’homme sont insuffisants, et d’autres études réalisées sur des souris ont révélé que le régime pouvait favoriser la croissance tumorale. Si vous envisagez toujours de suivre un régime cétogène, veillez à choisir une version saine de celui-ci et à en informer l’équipe médicale qui vous suit. Dans tous les cas, SOYEZ ACCOMPAGNÉ(E) !

Dans l’ensemble, il est essentiel de maintenir une alimentation équilibrée à l’esprit. La nutrition en oncologie demeure une science en développement totalement ignorée des oncologues la plupart du temps, et la prudence recommande de réduire la consommation d’aliments ultra-transformés et de sucres raffinés. Il est préférable de privilégier des aliments riches en nutriments, qui apportent une satiété durable. Une approche à faible teneur en glucides peut être bénéfique pour certains et peut s’avérer un complément utile aux thérapies traditionnelles. Toutefois, des recherches supplémentaires sur des humains s’imposent. Malheureusement.

Sources :

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